Ça surfe à Épluchures ! (en Français dans le texte)
Ça surfe avec style et décontraction, plutôt longboard et SUP, sur une petite houle sympathique depuis quelques jours.
Par contre on ne sait pas trop dans quoi. Les pluies des derniers temps et la couleur de l'eau incitent à ne pas boire la tasse. Si en plus on ajoute un peu de paraffine au passage, plus besoin de wax...
L'après-midi, la houle tombant, les baigneurs ont pris le relais.
Une indication pour les lecteurs qui ne seraient pas de la région, il a fait 26°C à Marseille aujourd'hui, l'eau est aux alentours de 22°C (et on vous livre un petit secret : ce n'est pas rare à cette période de l'année...).
Nous nous posions la question il y a un peu plus de trois semaines, elle est et restera d'actualité.
Aux esprits taquins ou chagrins qui demanderaient "que fait Surfrider ?", nous répondrions : des tests de la qualité de l'eau, conformément aux directives européennes, et nous en faisons toute l'année, et en dehors des "zones de baignade" (notamment sur les spots de surf et de plongée par exemple).
Mais Surfrider n'a pas vocation à se substituer aux pouvoirs publics en ce domaine (ni les moyens financiers de le faire...). Par notre action (depuis 2007 à Marseille par exemple) nous les invitons à prendre en main ces dossiers, les sensibilisons à ces questions comme nous sensibilisons le grand public.
Mare Nostrum, c'est ainsi que les Romains nommaient la Méditerranée. "Notre mer", dont ils avaient unifié les rives sous un même empire.
Cela ne s'est pas fait sans heurts et cette Civilisation, aussi brillante fut-elle, a mené cette entreprise à grand renfort de ses puissantes légions.
Deux millénaires plus tard, après de nombreux aléas, avancées, reculs successifs, qui oserait dire que la civilisation, au sens commun du terme cette fois, n'a pas progressé ?
Et pourtant...
Et pourtant le faisceau médiatique qui se braque, le temps d'un naufrage que l'on pourrait autant qualifier d'assassinat, laissant 10 rescapés sur 500 "migrants" (qu'on aurait appelé il y a quelques années encore des "réfugiés") vient remettre quelque peu en question ce mot "civilisation".
Quel est le monde où des conflits multiples poussent des populations entières à tout quitter pour se "réfugier", au péril de leurs vies, vers des terres qui si elles sont en paix et (plutôt) prospères, ne veulent pas d'elles.
Aucune de ces questions n'est simple, les vagues de réfugiés se succèdent au gré des conflits ou des difficultés économiques.
Si rien n'est simple dans les conflits qui poussent ces populations à remettre leur sort entre les mains de passeurs verreux profitant de leur détresse, qui les détroussent littéralement avant, parfois, de les assassiner en mer, comme ce fut le cas ce 15 septembre 2014, un constat est là lui, éloquent, un chiffre qui claque comme une détonation, qui heurte, ne peut laisser indifférent :
Ils sont 500 a avoir péri noyés ce jour-là en Méditerranée, ils sont entre 20000 et 25000 à avoir perdu la vie en 20 ans dans notre mer... à quelques centaines de kilomètres ou miles nautiques de nous.
Titouan Lamazou, l'artiste-navigateur avait lancé ce cri de colère lors des Rencontres d'Averroès en 2010 à Marseille. Lui qui avait connu la Méditerranée comme un espace de liberté dans sa jeunesse et ses premières traversées dénonçait le fait qu'elle soit devenue une barrière entre le nord et le sud, qu'en 30 ans, la liberté ait laissé la place aux frontières, aux contrôles, aux barrières.
Et si pour un habitant du nord comme lui, comme nous, cela touche à des notions aussi importantes que la liberté, pour un habitant du "sud" victime des conflits, cela touche à la simple notion de survie.
20000 morts annonçait l'Artiste de l'UNESCO pour la paix... depuis quelques milliers de plus, anonymes, hommes, femmes et enfants, sont venus s'ajouter au macabre décompte. La Méditerranée, si belle, est aussi un des plus grands cimetières du monde avait-il dit.
Les États réagissent au coup par coup, construisant des barrières que les "migrants" prennent d'assaut régulièrement comme à Ceuta et Melila, les enclaves Espagnoles au Maroc.
Ils mettent en place, comme l'Italie, des moyens d'ampleur, militaires, pour faire face à une réalité dont ils détournent le regard à d'autres moments, à Lampedusa, moyens qui sont débordés et qu'ils ne peuvent tenir sur la longueur. Que se passera-t-il quand l'opération "Mare Nostrum" s'arrêtera ?...
Les problèmes sont d'une grande complexité, les solutions peut-être plus encore, seul le nombre de morts est "limpide".
Devant cette complexité, devant la dureté, parfois l'horreur des situations, faut-il pour autant détourner le regard ? Le faisceau médiatique est déjà reparti ailleurs depuis longtemps. Le compteur macabre continuera de tourner.
Titouan Lamazou s'était exprimé lors d'une conférence sur l'environnement, et avait parlé fort justement de ces problèmes humains, car tout est lié.
Surfrider Foundation Europe et son antenne Bouches-du-Rhône n'ont pas pour mission de traiter ces questions et problèmes. Nous nous attelons à protéger la mer et le littoral, la tâche n'est déjà pas aisée.
D'autres organisations se consacrent au secours aux réfugiés, les États le font parfois également, avec les plus grandes difficultés comme cela est régulièrement rapporté.
Mais tout cela se déroule sur la même "scène", la Mer Méditerranée, "notre mer" qui à d'autres périodes reliait ses deux rives au lieu de les séparer. C'est pour cela que nous nous permettons d'écrire aujourd'hui cet article, comme Titouan Lamazou avait lancé ce cri de colère et de détresse, sans avoir la prétention d'avoir la portée de sa voix, pour avoir les yeux ouverts sur ce qui se passe devant nous...